Sur cette île, il y avait des
enfants, des parents, et des grand-parents. Les enfants allaient à
l’école, les grand-parents allaient à l’hospice, les parents
travaillaient pour l’école et l’hospice.
Il y avait aussi une prison et une
maison de correction sur cette île. Les méchants adultes allaient dans la
première et les méchants enfants dans la seconde. Parfois, ils ne revenaient
plus. C’est qu’ils étaient très méchants, disaient les bons adultes.
Le maire était le meilleur des bons
adultes. Comment ne l’aurait-il pas été puisque les bons adultes avaient
voté pour lui ? Les bons adultes ne pouvaient jamais se tromper et le maire
choisi par eux au grand jamais.
Le maire avait un juge et le juge
avait deux gendarmes. Le juge et les gendarmes avaient aussi été choisis à
l’unanimité par les bons adultes. Voilà pourquoi l’on disait que sur
cette île, les bons adultes commandaient comme nulle part ailleurs. Les
règles, les lois, les codes, c’étaient eux. Il n’y avait rien dans
l’île qui leur échappa. Les méchants adultes étaient ceux qui
n’aimaient pas l’île des bons adultes et c’est eux qui allaient en
prison.
Heureusement, les bons adultes
étaient plus nombreux que les méchants adultes et l’on n’avait besoin
que d’une prison. Et quand un méchant adulte était encore plus méchant
que tous les méchants adultes réunis, on l’écorchait. Dans ce dernier
cas, on faisait appel à Gore, le bourreau. Celui-là aussi avait été choisi
à l’unanimité.
Il ne faut pas se tromper. Les bons
adultes étaient heureux. Les méchants adultes étaient malheureux. Les
exécutions étaient rares mais intenses. Les enfants avaient le devoir d’y
assister.
Les bons adultes disaient toujours
que le bonheur se trouve dans la vie simple et le labeur. Ils parlaient sans
cesse de travail, de mérite, d’effort mutuel, de respect des autres, de
fraternité. Les enfants les écoutaient, et les grand-parents, quand ils
n’étaient pas à l’hospice, souriaient. Les parents n’aimaient pas du
tout que l’on sourit en les écoutant, et l’une des raisons qu’ils
avaient eu de placer les grand-parents dans l’hospice était de soustraire
les enfants à leurs mauvaises influences. Comment voulez-vous éduquer le
petit Jeannot quand, lorsqu’on l’a mis au placard pour le punir, sa
grand-mère va lui donner en cachette de la confiture ?
Les parents avaient en sainte horreur
tout ce qui était gâterie et paresse. Ils disaient que tout le monde doit
peiner pour avoir le droit de vivre. L’inégalité leur faisait tellement
honte que, même si des privilèges leur avaient été dispensés par magie,
ils les auraient refusés. Des génies ou des fées pouvaient parfois se poser
sur l’île et proposer leurs services, les parents refusaient énergiquement
tout ce qui n’était pas fruit de leur travail. Ils n’avaient besoin ni de
potion magique, ni de philtre d’amour, ni de tapis volant, ni de corne
d’abondance. Découragés, les génies et les fées repartaient, et les
parents fouettaient les enfants qui leur disaient au revoir d’un signe de la
main.
Pour édifier les enfants, les
parents, qui d’ordinaire ne lisaient pas, leur récitaient sans cesse la
célèbre fable de Jean La Fontaine, La cigale et la fourmi. Les adultes se
réclamaient fièrement de la fourmi. Ils disaient aux enfants qu’il fallait
faire comme elle - travailler, économiser, et avoir la paix du cœur. Ils se
réjouissaient du sort de la cigale, tellement sotte et irresponsable, et ils
avaient appris à leurs enfants comment arracher les pattes à une cigale.
Aussi n’y avait-il plus de cigales depuis bien longtemps sur cette île. Ni
de libellules, ni de papillons, ni d’oiseaux et pas même de fleurs. Les
bons adultes se défiaient de tout ce qui est inutile dans la vie. Mais
surtout des cigales qui symbolisaient le mal absolu. C’est pourquoi Gore
sculptait des cigales dans le corps des condamnés qu’il écorchait.
En général, les enfants pensaient
comme leurs parents et comme ces derniers avaient l’air d’être heureux,
eh bien, ils l’étaient aussi. Mais les enfants aimaient aussi leurs
grand-parents et sentaient que ceux-là n’étaient pas toujours aussi
heureux que les parents le disaient. Ils souffraient de les voir emmener,
quelquefois de force, dans l’hospice, au nord de l’île. Ils les voyaient
pleurer dans un coin avant de partir. Ils venaient pleurer avec eux - heureux
de pleurer finalement.
Les bons adultes ne pleuraient
jamais, pas plus qu’ils ne riaient. Lorsque leurs enfants se révoltaient
contre eux, ils les punissaient en disant « tu verras quand tu seras grand
». Ce « tu verras quand tu seras grand » était très pénible à entendre
pour les enfants. C’était comme si on leur disait de ne pas pleurer quand
ils pleuraient ou de ne pas rire quand ils riaient, comme si ils avaient faux
tout le temps. L’idée qu’ils puissent punir à leur tour leurs enfants en
leur assénant à leur tour des « tu verras quand tu seras grand » les
horrifiaient. Certains, comme le petit Gredin, se promettaient de ne jamais
grandir et de ne jamais avoir d’enfants.
Gore, lui, en avait huit. C’était
le papa le plus prolifique de l’île.
Bien que les adultes ne
s’amusassent guère (ils en avaient le temps mais pas l’envie), ils
avaient l’habitude de fêter la nouvelle année en organisant une grande
soirée où toute l’île était conviée, sans les enfants et les
grand-parents. Après avoir couché les uns et les autres, on se réunissait
dans la maison de Gore, sans aucun doute la plus grande et la mieux équipée
pour accueillir la centaines d’hommes et de femmes adultes et responsables
qui constituait la cité insulaire.
Ce soir-là, comme chaque année, ils
vinrent tous, causèrent, dînèrent tous et moururent tous.
Personne ne sut ce qui s’était
passé. Avaient-ils mangé de la nourriture avariée ou empoisonnée ? Mais
qui aurait été assez méchant pour tuer tant de bons adultes ?Et qui aurait
été assez fou pour se tuer avec tout le monde ? Peut-être exagérèrent-ils
pour une fois leur bombance et firent-ils, l’un après l’autre, une crise
cardiaque ? Il ne semblait pas que l’on ait tant bu et tant mangé que ça.
Du moins pas plus que les autres années.
Quoiqu’il en soit, c’est dans une
île sans parents que les enfants et les grand-parents se réveillèrent le
lendemain.
L’étonnement l’emporta sur le
chagrin. L’ampleur de la catastrophe décontenança plus qu’elle ne peina.
Au fond, enfants et grand-parents furent dépassés par ce qui était arrivé.
L’on peut pleurer une ou deux personnes mais lorsque c’est toute la cité
qui disparaît d’un coup, ce sont les bras qui vous en tombent plutôt que
des larmes qui coulent. Comme il y avait trop de monde à pleurer, on ne
pleura personne. Et comme on ne comprit rien à ce qui c’était passé, on
passa à autre chose.
Nul n’osa toucher les cadavres. Ils
étaient trop lourds et ne sentaient pas bon. Mais au bout d’une semaine, la
puanteur devint insupportable. Bien que les vers qui grouillaient dans les
corps des anciens papas et mamans amusassent les plus petits, on se décida à
faire quelque chose.
Les enterrer demandait trop
d’effort. Le petit Gredin, qui avait déjà commencé à prendre les choses
en main, proposa de brûler la maison de Gore avec ce qu’elle contenait. On
discuta un peu de cette entreprise, mais finalement l’adhésion l’emporta
et ce fut le premier feu de joie du village.
Après ces funérailles ardentes,
l’île se transforma. Sans parents, ni maire, ni juge, ni gendarmes, ni
bourreau, que pouvaient faire ces enfants et ces vieux ?
S’amuser, certainement.
Les uns inventaient des jeux où
chaque joueur était vainqueur, les autres dormaient le jour plutôt que la
nuit, certains construisaient des cabanes dans les arbres ou creusaient des
tunnels dans sous les vignes, on en voyait qui se baignait tout le jour à la
cascade, et d’autres qui courraient avec les chiens et les dindons. Tous
dansaient et chantaient.
Les grand-parents se mêlaient aux
enfants avec bonheur. Un groupe de pépés leva une équipe de rugby et six ou
sept mémés organisèrent un championnat de marelle. On vit même les six
derniers octogénaires de l’île s’amuser comme des fous avec un
trampoline. A la fin, il ne restait plus que deux joueurs mais qu’est-ce que
l’on avait ri !
Les journées commencèrent aussi à
se laisser aller. L’on vivait selon son rythme et son aise. Les vieux
préféraient le matin, les enfants plus jeunes jubilaient plutôt
l’après-midi, les plus âgés plutôt le soir. Les plus vieux des enfants
se retrouvaient surtout la nuit.
Le petit Gredin avait quinze ans et
il était le plus vieux des enfants. C’est lui, nous l’avons dit, qui prit
les rênes de la nouvelle communauté. Sans autorité ni discipline, il
convainquit tout le monde que si la vie était devenue une fête, il fallait
aussi que la fête devint une vie. Il ne fallait donc pas rechigner devant le
minimum de travail et de règles à respecter, minimum nécessaire qui
assurerait la continuité de ce paradis. « Nous sommes tous frères et sœurs.
» devint ainsi la charte unique des enfants et des grand-parents.
Devant tant de joie et d’innocence,
la nature se fit plus belle et plus généreuse. Les fleurs sentirent plus
fort, les fruits furent plus juteux, le miel plus doux, l’air plus
fortifiant. Les arbres donnèrent du chocolat et du nougat. Le soleil souriait
aux enfants et la lune câlinait les vieillards.
Quant aux tâches ménagères et
agricoles, elles ne posèrent aucun problème. D’abord, on put compter sur
les immenses réserves de viande froide et de poissons séché que les anciens
adultes avaient laissées sans jamais en profiter. Ensuite, on ne fit pas
grand-chose d’autre. Il faut dire qu’en apprenant la mort des parents, les
génies et les fées étaient revenus sur l’île. Bientôt, ils l’avaient
enchantée. La vaisselle se faisait toute seule, le ménage était pris en
charge par les balais eux-mêmes, tout s’exécutait selon un ordre
ensorcelé et bienveillant.
La fête devint féerie. Nulle
discorde, nulle maladie, nulle famine ne menacèrent plus l’île. La douleur
avait à peu près disparue. On pouvait sauter d’une falaise ou se battre
avec une bête sauvage sans se faire mal et l’emporter, dans le cas de la
bête, à tous les coups. De toutes façons, les bêtes sauvages devinrent
rapidement les amis des enfants. Les cigales aussi étaient revenues et plus
personne ne cherchait à les écraser ou à leur arracher les pattes. Quand
l’hiver arrivait, elles trouvaient asile chez les fourmis qui les
accueillaient en poussant des mini-cris de joie. La Fontaine était démodé.
La seule tristesse qui frappait la
communauté était parfois la mort d’une grand-mère ou d’un grand-père.
Mais cette mort elle-même avait un doux visage. Celle ou celui qu’elle
avait choisi s’endormait doucement et après avoir embrassé tous les
habitants de l’île, un sourire aux lèvres. On brûlait le corps et la joie
reprenait ses droits.
Une nuit, le petit Luron, l’un des
garçonnets les plus adorables de la communauté, s’endormit dans les bras
de la petite Doucette qui était la plus mignonne des fillettes. Ils avaient
onze et douze tous les deux et s’aimaient tendrement depuis toujours. Aussi
ne s’étonna-t-on pas plus que ça de ne pas les voir sortir, trois jours
durant, de leur cabane.
Il est difficile de raconter ce
qu’il s’était passé. Au début, ils rirent beaucoup, puis pleurèrent un
peu - la petite fille pour avoir eu mal, le petit garçon pour lui avoir fait
mal - avant de recommencer, cette fois-ci, sans rire ni pleurer.
Folle découverte ! Perspective
inouïe ! Ils étaient tellement heureux de ce qu’ils avaient vécu qu’ils
voulurent d’abord tout dire aux autres. Il fallait que tout le monde essaye
ce nouveau jeu, plus fabuleux que tout.
Or, une chose curieuse se passa.
Lorsqu’ils sortirent de leur cabane et qu’ils retrouvèrent leurs amis,
ils n’eurent plus du tout envie de confier leurs émois. Les autres
n’auraient pas compris tant ils étaient occupés à jouer, à manger ou à
dormir. Et puis, c’était leur secret à eux tous les deux, pourquoi le
partager avec des gens qui ne vivaient pas la même chose ? Ils se dirent que
désormais ils s’amuseraient avec les autres la journée et tous les deux la
nuit. Mais une chose encore plus curieuse arriva : ils se rendirent compte que
leurs anciens jeux ne les intéressaient plus du tout. Pire : que leurs
anciens camarades avaient l’air un peu idiot à jouer pendant des heures à
saute-mouton ou à manger du nougat avant le dîner alors qu’il y avait
tellement de choses plus importantes à faire dans la vie.
L’on s’étonna que Doucette
refusât une partie de trap-trap et quand Luron tomba de la balançoire, lui
qui allait habituellement le plus haut possible, et qu’il dit, en se
relevant, « tout cela n’est pas sérieux », on cru qu’il était devenu
fou.
Un mois plus tard, c’est la petite
Hysop et le petit Pipo qui s’enfermèrent dans leur chambre, plus de dix
jours cette fois-ci, et pour faire Dieu sait quoi. Comme Doucette et Luron,
ils revinrent de ce que l’on avait pris comme une longue sieste réparatrice
l’air bizarre, comme s’ils avaient, eux aussi, un secret.
Tous les enfants tentèrent de percer
ce secret qui avait rendu quatre de leurs congénères tellement différents
mais en vain. Quelque chose ne collait pas. Il fallut l’explication d’une
grand-mère pour que tout se clarifie. La « nouvelle » se répandit comme
une traînée de poudre et une semaine plus tard, tous les enfants avaient
leurs secrets.
Entre-temps, le soleil ne souriait
plus.
Les choses se gâtèrent
sérieusement lorsque le ventre de Doucette, que désormais l’on
n’appelait plus que Douce, s’arrondit. Les grand-parents blêmirent et les
enfants furent jaloux. Il n’y avait pas de raison que seuls Douce et Luron
deviennent ce que tout le monde pouvait devenir. Pour ne pas être en reste,
chacun des couples se mit au travail et quelque temps après, toutes les
filles avaient un ventre rond.
Les premiers accouchements eurent
lieu en hiver. Contrairement aux précédents, celui-ci fut d’une rudesse
peu commune, et mit quelques mamans à mal. Certaines perdirent leurs bébés,
d’autres moururent avec, d’autant que l’on ne savait pas très bien
comment procéder à la venue des nouveaux arrivants. Malgré la mort d’une
trentaine d’entre eux, rien ne put endiguer cette épidémie de nouvelles
vies.
Les garçons résolurent de
s’organiser sérieusement afin d’adoucir la nouvelle condition de leurs
compagnes et de ce qui sortait d’elles. On décida qu’il n’était plus
temps de s’amuser et que l’heure était venue aux responsabilités. Les
enfants, il faudra les élever. On ne pourra les faire vivre dans une maison
dans les arbres ou sur la plage, il faudra de la pierre, du ciment, de la
brique. Et des lois. Pas question non plus de jouer devant eux, il faudra
aussi des horaires fixes, une école, et une maison de correction quand celle
des familles ne suffira plus.
Gredin, qui venait de fêter son
vingt-troisième anniversaire, et qui avait toujours refusé d’avoir ou de
faire un secret, tenta de les convaincre de ne pas réformer l’île aux
enfants. Avec quelques autres qui étaient restés aussi enfants que lui, il
fit tout pour prévenir la communauté des dangers qui la menaçait si on se
mettait à penser à l’avenir plutôt qu’au présent, que les génies et
les fées les abandonneraient, que la nature se désenchanterait et que tout
risquait de redevenir comme avant. Hélas ! Cet « avant » n’avait laissé
aucune trace dans la mémoire des nouveaux parents, aussi ne comprirent-ils
pas ce qu’il voulait dire. Et dès lors, ils regardèrent avec méfiance ce
jeune homme, plus vieux que qu’eux, qui continuait à vivre sans secret,
sans lendemain, ne comptant que sur le soleil et les nuages. On lui reprocha
bientôt de ne servir à rien. D’être aussi inutile que les derniers
grand-parents qu’ils restaient et dont on se demandait s’il ne fallait pas
mieux les mettre dans une maison spéciale pour eux. L’hospice fut
reconstruite au printemps.
La vie devint plus dure sans pour
autant que les jeunes parents s’en plaignent. Au contraire, on aurait dit
qu’ils prenaient plaisir à leurs nouvelles conditions d’adultes.
Pourtant, fées et génies avaient déserté l’île depuis six mois et il
fallait maintenant passer soi-même le balais et la serpillière. Qu’importe
! un bon adulte est content de vivre selon le fruit de son travail et la
rigueur de sa volonté. Ainsi commençait-on à penser.
Il fallut malgré tout se réhabituer
aux courbatures, à la fatigue et aux soucis. Depuis que les femmes avaient
commencé à accoucher et les hommes à travailler, la nature produisait
moins, non pas tant de belles fleurs, cela, on s’en désintéressait déjà,
mais de fruits et légumes. Le lait et le miel ne coulaient plus des arbres.
L’eau n’était plus ni abondante ni toujours potable. Les rochers
faisaient vraiment mal quand on tombait dessus. Les papillons énervaient plus
que tout. Les libellules picotaient les yeux. Les cigales faisaient tant de
bruit qu’on déclara officiellement qu’il fallait les décimer. On
ressortit La Fontaine pour s’en persuader.
Et parce que Gredin s’opposa un
jour à ce qu’un petit enfant ne s’amusât trop cruellement avec l’une
d’entre elles qu’on se résolut de l’enfermer dans un lieu où il ne
pourrait plus nuire à la nouvelle génération. Cet hybride d’enfant adulte
était désormais trop méchant pour les bons adultes. L’on se souvint alors
de cet ancien immeuble abandonné depuis une décennie. Dès que le ISO fut
cloué entre le PR et le N, lui et ses amis y furent jetés sans ambages.
Comme on souhaitait que tout le monde
soit heureux, l’on décida de voter des lois. En se redonnant des lois, on
se redonna des peines, et en se redonnant des peines on se redonna des gens
qui pouvaient les appliquer, deux juges, quatre gendarmes cette fois-ci, et un
bourreau. C’est l’ado Crunch, le plus robuste des garçons de l’île,
qui avait engrossé six filles à lui tout seul, qui fut désigné à
l’unanimité. Celui-ci rappela sévèrement aux habitants de l’île que
s’ils l’avaient, lui, choisi librement, Gredin, en revanche, leur avait
imposé depuis huit ou dix ans, des règles et un style de vie qui n’avait
été votés par personne. Et que l’on avait eu pendant toute cette époque
une attitude inadmissible, irresponsable, anti-adulte. Son discours ébranla
les esprits. Comment faire respecter les lois de la vie avec quelqu’un qui
refuse de grandir ?
Torturés par la mauvaise conscience,
la communauté décida que l’on torture Gredin jusqu’à la mort. Son
écorchage dura dix-sept heures, quarante-six minutes et vingt-cinq secondes
et fit comprendre aux enfants que refuser de grandir est un comportement
indigne qui met en péril la vie elle-même, et qu’on ne serait mettre en
doute la parole des parents qui ont toujours raison. Depuis, tout a repris son
cours normal sur l’île des bons adultes.
FIN