Marie-Glycérine
présente la nouvelle n°7 :
Amélie ou comment s'en débarrasser
ou
On ne se débarrasse pas impunément d'Amélie
J’ai
laissé tomber le fusil sur la route, et j’ai avancé dans le noir sans me
retourner, la laissant là, face contre terre. Et soudain un éclair a ébloui
l’éther qui m’entourait, et cette lumière, toujours elle, est apparue,
d’abord diffuse puis de plus en plus puissante. J’ai continué d’avancer
et la lumière m’a prise. Je crois.
Une
lumière crue qui m’éblouit horriblement, jusqu’à faire souffrir ce que je
m’imagine être mes yeux, m’emporte à toute vitesse dans un immense
couloir. Comme un train, toutes lampes allumées, un train qui file si vite que
ma tête cogne au même rythme horloger que le bruit des rails. Mais cette
horloge est trop rapide, me donnant une image erronée du temps qui passe, ainsi
les heures durent un clignement d’yeux et le voyage lui, peut durer pour moi
des siècles, ou une seule seconde.
Soudain,
le tunnel qui m’avait engloutie disparaît. Tout s’arrête tellement vite
que je vois flou et ne peux distinguer l’endroit où je me trouve qu’après
de longues secondes d’étourdissement.
Le
décor me frappe par sa blancheur. Je sursaute. Je m’aperçois en fermant
plusieurs fois les yeux que je peux en fait voir deux univers différents, aux
formes globalement similaires mais différant par leurs couleurs et les détails
de leur agencement.
Le
monde blanc est garni de cubes, pyramides et cylindres totalement lisses. Je me
trouve sur une sorte de pont à gauche et à droite duquel il y a des séries de
pyramides de différentes tailles.
Un pont gris et vert entouré
d’un bois de sapins. Je me
penche au bord du pont blanc. Rien ne m’en empêche, nulle barrière, nulle
bordure ne me protège d’une hypothétique chute. Seul un léger vent de face
me gène un peu, mais je peux tout de même apercevoir par
dessus la barrière verte qui m’interdit de tomber, des voitures filant dans
les deux sens, séparées par un rangée d’arbres des éclairs d’un
blanc brillant qui circulent dans un ordre indéfinissable, s’effleurant
parfois un court instant. Au milieu d’eux se trouvent encore des pyramides.
Je
cesse de réfléchir. Ce monde familier différent
ne m’effraie déjà plus. Je sens que mon envol est annoncé.
Le vent se fait plus fort dans
mon dos. Il me pousse, des
mains invisibles m’empoignent par les épaules mais je les repousse d’un
geste. Je n’ai aucun besoin de lui ;
j’enjambe seule la barrière
Je
m’avance au-delà du pont, marchant dans le vide, au-dessus des éclairs
suspendus ; je me laisse partir en avant. Les mains me lâchent, je prends ma
respiration et
Je tombe tombe
comme une plume à toute vitesse.
Ma tête touche le sol en
premier. J’ai mal. Je ne
sens rien. Mon crâne est ouvert vers le ciel et les éclairs s’estompent. Je
ne vois plus les voitures…J’ai du sang sur les yeux et une étrange odeur
m’atteint. Je ferme les yeux, tout
est si rouge.
Les
yeux grand ouverts, j’observe soudain une tache noire, puis deux, sortir
d’une sorte de trou, pas loin de moi. Les ombres minuscules s’approchent de
ma tête ouverte. Je les regarde. Je n’ai pas peur. Terreur.
Ils sont plus nombreux à présent, j’en compte sept, en cercle autour de
moi.
Un
bourdonnement douloureux me troue les tympans mais malgré cela, je ne peux
m’empêcher de percevoir un bruit de pattes nombreuses.
Des
yeux. Les taches noires ont des yeux.
Un poignard au creux de ma tête.
Chaleur du sang au contact du vent plus fort. Deux. Je veux que ça s’arrête.
Trois. J’ai mal. Quatre. J’ai peur.
Cinq. Je les entends chanter. Six. J’aime sentir mes pensées se déverser.
Sept. Des morsures, plus fortes, plus nombreuses, encore, encore !
Des
rats. Ils me dévorent la tête.
Les
ombres fredonnant leur air m’emportent. Ma tête vide, mon Âme libérée.
Enfin. Pourquoi si tard ?
Je
ne veux pas mourir. Je ne veux pas…je meurs.
Elle
s’envole, je La vois. Mon Âme, ma Vie mon Cœur mon Espoir.
Je meurs Je
vis.
Ensuite, il ne s’est plus
rien passé.