Roméopathie
présente la nouvelle n°3 :
Amélie ou comment s'en débarrasser
ou
Annélie ou comment s'en débarrasser
« Beau
doux ami, si est de nous :
Ni
vous sans moi, ni moi sans vous. »
Il
avait tout essayé pour l’enlever, par la force, par la douceur, mais en vain.
Elle résistait, indifférente, à ses prières ; elle lui retournait, ironique,
ses menaces ; et pire encore, elle semblait parfois, sûre de son pouvoir,
avoir un peu pitié de lui : elle se faisait oublier, et puis, de nouveau,
elle était là, brûlante, cuisante même, comme au temps où elle était
pendue à son cou.
Il
lui avait juré un jour de ne jamais l’oublier.
Ne
jure pas, ça te porterait malheur. Il faut oublier pour vivre.
Et
toi, tu m ‘oublieras… ?
Ce
qu’il faudra.
A
cette époque-là, ils se parlaient encore, par le papier.
Et
puis, sa main droite était devenue si lourde qu’il avait cassé sa plume de
verre, qu’il n’osait plus caresser une joue d’enfant, un ventre de chatte,
une épaule de femme. Il l’avait maudite, il avait pour la première fois écouté
les « je te l’avais bien dit » et les « avec le temps, tout
s’en va », mais le temps passait, il s’affaiblissait (« Tu as
maigri » soutenait sa mère), et toujours elle collait à sa chair et lui
dévorait le cœur.
Il
s’enferma, il voyagea, il chercha la sagesse et il chercha l’ivresse.
Mais
une nuit qu’il errait sur les bords du Gange, il la retrouva sur sa peau, plus
attachante que jamais, et se sentit mourir.
Il
fallait la quitter…
Personne
ne comprit jamais pourquoi cet homme s’était jeté dans le brasier où se
consumait une veuve. Il y avait dans le monde tant de folie et tant de mort
qu’on n’en aurait même pas parlé si on n’avait trouvé dans les cendres
un anneau d’or rose qui, inexplicablement, n’avait pas fondu, et où se
voyait encore une inscription en caractères occidentaux.
Un enfant recueillit la bague et alla la donner à une vieille religieuse française, qui, sans lire les vers, la déposa sur l’autel de Notre-dame, — où elle doit être encore.