La *Cie des Loups présente la nouvelle n°18 : 

 

 

 

Cosmétique de l'ennemi

ou

La profanation des sépultures d'envahisseurs

 

 

Une petite ville... Situons-la où vous voulez ( Belgique, Japon, France, USA... )
Pour simplifier la clarté de cette nouvelle, bien obscure ( au demeurant, puisque je la commence ), je situerai cette petite ville en Alsace, car là-bas y a plein de cimetières ( là où on enterre les morts (*) - évidemment, pas plein de macchabées, qui ne pullulent pas plus qu'ailleurs ). Comme l'Alsace a passé son existence à être envahie par les Francs, Ostrogoths et autres Goths (**), Prussiens, Français, Allemands, Suisses, Belges, sans compter les migrations intrarégionales entre le Bas-Rhin et le Haut-Rhin et vice versa.

Donc parmi tous les hôtes des sous-sols, il y eut pas mal de non-Alsaciens.

Bien entendu, ce n'est pas parce que 25 % de l'Alsace vote Le Pen ( et peine, faut-il le dire, les autres ) que nous parlerons du présent, car à part le regroupement de certaines populations dans les immeubles sans standing, actuellement vos compatriotes de l'Est sont plutôt relativement tranquilles, côté Aliens.

Cette histoire, quoique nouvelle, a donc eu lieu dans un lointain passé, bien avant que flambent les Beucheraies (***), et sacrément antérieur à la mort, chaque soir, de Satan, sacrifié par de charmantes dames, sans doute pour se disculper qu'honni soit qui mal y pense ( Pour toutes précisions, consultez Manon de S. ).

Un groupe de jeunes donzelles s'en alla consulter l'adjointe, Madame Brigitte H. , dans le petit village d'O***m :

" Bonjour Madame Brigitte H.
- Madame Brigitte H. est absente de son domicile, si vous souhaitez son intervention, déposez votre message après le signe "Halles sonnent or"...- Voila, dit Laura, mon père n'est pas mon père et mon père ne le sait pas !- Mon père n'est pas mon père disent-elles en choeur, Marion, Coralie, Vanessa et les autres, et ils n'en savent rien"

Ca, chat noir, ça reste à prouver, pensa Madame Brigitte H. venant relever sa messe "Ah je ris" (****).

Mal grès tout, devant cette une animitié envers le gène pas terne, elle en vint à se poser une question :

"Ah ! Six était vrai, Saint Franc(*****) soit ! quel scandale dans les familles, il faut agir, évite !"

 

 

* Parce qu'en Alsace il y a souvent 2 ou même 3 lieux de cultes différents, y compris dans les villages et autant de cimetières attenants.

** Merci Goscinny...
*** « Beucheraie » est un terme utilisé pour désigner le bûcher des sorcières.

**** D'être toujours aussi belle en ce miroir.

***** L'euro, c'est pour dans 5 mois, alors attendons !

 

 

 


Mais pouvait-elle vraiment compter sur son supérieur, le maire ?Hélas, celui-ci était surtout occupé à compter ses choux, car il soupe sonnait ses employés, nés, ces serfs, pour transformer le légume en choucroute, de lui chouraver quelques choux et craignait de perdre des sous dans cette affaire.

Bien sûr, il y avait Madame l'Amer de la capitale régionale. Elle la savait quelque peu rigide, ses convictions protestantes ne la conduisant à plaisanter avec ce genre d'affaires. Mais au moins elle était femme et il n'y avait que les filles qui s'inquiétaient de leur origine.

Elle prit son chreview, garé à l'Eperon d'or, et partit pour franchir les 7 lieues qui séparaient son village de la métropole (*). Et pourtant elle savait qu'en partant alors, elle ne serait pas dans son village pour défendre son poste d'adjointe, mais, pour elle, cette affaire était de plus d'importance.

Elle franchit les marais, survolant ceux-ci, survoltée par la gravité de ces accusations, pressée de régler l'affaire et de revenir à temps pour glisser son bulletin dans l'urne.

Mais les routes, en ce temps là, n'étaient point sûres et elle dut faire maint détour pour éviter les débordements de l'Ill, les bouchons habituels de la 83, les carrioles en flammes du Neudorf.

Elle ne put arriver que plusieurs jours plus tard. Elle gravit les marches du palais et demanda à l'accueil s'il elle pouvait avoir une audience auprès de Madame le Maire, sans, toutefois en révéler l'objet, car, à ces époques, l'accueil était assuré par des hommes d'armes et non par de gentes damoiselles, qui auraient mieux été à même d'y comprendre quelque chose.

Elle ne put obtenir une audience que la semaine suivante. Impossible de revenir chez elle en attendant, le temps lui manquerait certainement.

Elle résolut de prendre Chambre d'Hôte aux Citadines, car les écus demandés y étaient moins conséquents pour un long séjour et elle craignait non seulement d'y être contrainte cette fois-ci, mais en encore d’ être amenée à y revenir.

Elle profita de sa liberté pour visiter un peu cette cité dont on parlait tant, car son statut de ville indépendante pouvait la conduire vers un destin plus ambitieux (**).

Elle reconnut la magnificence de cette ville. Elle parcourut la Rue des Dentelles, dont on avait enfin refait la route qui de chemin de terre s'était transformée en rue pavée, dernier cri de la technique pour rendre carrossable cet endroit et permettre aux carrosses de cesser de briser leurs essieux en la parcourant. Elle profita de ce passage pour acheter quelques étoffes qui lui permettraient de confectionner une belle coiffe pour sa fille lors de la fête des écoles.

 

 

* On devrait dire Tramopole, mais, curieusement, on ne le dit pas.

** Capitale de l'Europe par exemple, mais n'anticipons pas...

 

 

 


Elle visita la cathédrale, toute de grès rose. Elle regretta un peu ce choix de matériau, car, dans l'avenir, on ne pourrait la prendre pour cible d'un siège d'église établi pour y déloger quelque bossu et sa charmante bohémienne, car on ne pourrait distinguer le sang qui coulerait sur ses pierres.

Elle parcourut la Place Carrée (*), admira La Maison Rouge, où l'on pouvait acheter quelques parchemins et louer des ménestrels pour les longues soirées d'hiver.

Le jour de l'entrevue arriva. Mais notre courageuse dame apprit que son rendez-vous était accepté, ... reporté d'une semaine. Tant pis elle attendrait.

Elle alla dans une parcheminerie pour acheter quelques peaux, une plume d'oie (grise) et de l'encre. Elle consacra son attente à coucher par écrit les déclarations des jeunes filles ainsi que ses propres investigations, car, elle aussi, en se remémorant quelques événements d'un passé récent, trouvait que quelque chose clochait.

Elle avait, peu avant ce message d'angoisse des jeunes filles, eu une entrevue avec Manon de S. qui lui avait expliqué qu'elle sentait que son fils n'était pas son fils et que son père n'en savait rien.

De même, Marc W., un peu mire sur les bords, lui avait dit que, bien qu'étant dans le village depuis 20 ans et que son père ait fait partie de l'armée qui avait libéré les villageois de la dernière invasion Prussienne, il se sentait toujours étranger.

Il y avait aussi Michel D., qui se sentait depuis peu rejeté par presque tous alors qu'il croyait être aimé.

Un fois écrit le message, elle se dit que le mieux serait de l'envoyer à un homme de confiance après l'avoir fait reproduire dans ces officines situées près de l’université : il suffisait d'y donner son texte et, en moins de temps qu'il n'en faut pour le réécrire à nouveau, une copie vous était fournie. Cela s'appelait fautes aux copies, car on y employait des jeunes dyslexiques, ce qui leur permettait, après ce stage, d'acquérir une meilleure orthographe.

Restait à choisir le destinataire : il lui fallait quelqu'un de sérieux, de pur, qui, même questionné (**), ne dévoilerait pas ses sources. Manon de S. et sa Compagnie lui avaient souvent parlé d'un abbé, Noirceuil, naviguant entre différentes églises depuis son entrée en fonction. Elle savait qu'une fois, au grand dam du notable d'une cité sise en bas d'un Ballon des Vosges, cet homme avait hébergé dans son presbytère de pauvres hères pour les protéger des grands froids. Maintenant il officiait dans la ville célèbre mondialement pour son musée des chars, charrues et carrosses. Mais la poste était-elle de confiance.

 

 

* On la nomme maintenant Place Kléber, mais le général n'était point encore né.

** Et à l'époque, questionné, c'était pas toujours joyeux pour l'intéressé...

 

 

 

 

C'est en revenant à sa chambre des Citadines qu'elle découvrit en bas de l'auberge une minuscule officine, dont la devanture ne s'ornait que d'un parchemin où elle put lire :

" Plus sûr

Plus rapide
que la poste,
Utilisez l'"Y mêle"pour tous vos courriers.
 Satisfait ou remboursé".

Elle entra. Un jeune homme, lunettes rondes, un air poupin révélant mal son âge, l'accueillit.

" Bonjour, Chère Madame, avez-vous besoin de mes services ?

- Peut-être, mais comment procédez-vous ?

- Oh c'est simple. Les gens sont peu satisfaits des convois postaux, bien trop souvent attaqués, mais la solution, plus sûre, plus rapide des pigeons voyageurs ne peut convenir pour des missives un peu pesantes, et s'il faut envoyer un oiseau par parchemin, cela revient très cher- Je m'en doute, mais que proposez-vous vraiment ?
- Simplement un transport par air plus à gros PTC. Nous avons dressé quelques cigognes à porter ces courriers d'une ville à l'autre. C'est plus fiable que les pigeons car les chasseurs n'aiment pas tellement ce gibier, heureusement, alors que pigeons, tourterelles ou cailles... je ne vous parle pas des risques que votre missive ne disparaisse aux mains de quelques chasseurs, archers un peu habiles.

- Cela me conviendrait parfaitement."
Ainsi, même si quelqu'un essayait de l'empêcher de révéler à la face du monde l’effroyable vérité, un autre pourrait la relayer.

Un peu soulagée, elle put consacrer la fin de sa journée à se délasser un peu par une ballade en gondole-mouche sur les canaux marquant la jonction de l'impétueux Rhin avec l'Ill imprévisible.

Elle dîna dans une taverne et se coucha tôt en prévision du rendez-vous du lendemain.

Elle arriva à 10 heures à son rendez-vous. Elle patienta un peu dans l'antichambre, avant d'entrer :

" Bonjour, madame Brigitte H., je suppose ?

- Euh, bonjour, je souhaitais rencontrer Madame La Maire...
- Mais c'est moi !
- Je vous comprends bien, mais je voulais avoir un entretien avec Madame Catherine T., maire de Strasbourg.
- Ah ! Je comprends, vous n'êtes pas au courant alors ?

- Non ...?
- Madame Catherine T. n'officie plus ici et c'est moi, Fabienne K., qui la remplace
- Ah bon ? Cela m'ennuie un peu, car j'aurais préféré lui parler.

- Vous pouvez parler sans crainte, je la remplace pour tout, de quel sujet vouliez-vous l'entretenir ?
- Ce n'est pas que je ne vous fasse confiance, mais je ne vous connais point alors que j'avais déjà pu rencontrer maintes fois Madame Catherine T.

- Ce ne serait pas au sujet de dires un peu incohérents de certains de nos administrés ?

- Que voulez-vous dire par là ?

- Ce mal touche surtout les enfants, les adultes moins. Ces personnes déclarent qu'untel, leurs frère, soeur, parents, enfants ne sont pas ceux qu'ils ont été.

- Quelle peut en être la cause ?

- Pour les enfants, nous pensons qu'ils font une crise plus liée à leur adolescence, pour les adultes, nous ne savons pas encore.

- Quelles solutions, alors ?
- Nous avons fait appel à Rome et à l'Eglise Réformée, pour qu'ils jaugent la situation et nous envoient sans tarder leurs inquisiteurs. C'était donc cela, le sujet de votre entrevue ?

- Non pas du tout, nos concitoyens en ont assez d'être inondés régulièrement.

- Il est vrai que c'est gênant.

- Alors nous vous proposions que les grandes villes d'Alsace se consultent pour envisager une série de barrages et de bassins pour réguler le débit des cours d'eau de nos régions.

- Je vois, mais le Général Robert G. est souffrant actuellement et je ne puis, moi...

- Naturellement. Mais vous pouvez nous être d'un précieux secours. Je vous ai dit que cela concernait le Rhin, qui avant d'arroser notre région, coule en pays Teuton. Or ce projet devra intervenir à ce niveau. Il faudrait donc que vous annexiez cette région Rhénane.

- Mais c'est la guerre, cela Madame !
- Hélas ! Oui. Que voulez-vous : on ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs, n'est-il pas vrai Madame La maire. Alors; et c'est le but de ma visite, nous vous offrons 100.000 écus, si vous parvenez à décider le Général G. à entreprendre cette guerre. Est-ce oui ?"

La notable vira illico sa visiteuse qui la menaça :

"Vous avez tort: vous avez grand tort de ne pas accepter, enfin, comme il vous plaira. Au revoir, Madame la maire" (*)
Notre visiteuse, une fois dehors, fut soulagée : en inventant cette improbable histoire de suggestion de guerre, elle avait pu s'éviter de révéler ce qu'elle savait, sans que cela paresse suspect, sauf que sa réputation de personne équilibrée risquait d'en prendre un sacré coup. Mais, qui était donc cette nouvelle maire ? Pouvait-on lui faire confiance ?
En plus, si l’élue était au courant, c'est que le problème était plus étendu qu'elle ne l'avait imaginé au départ. Sans compter que lier cela à la puberté, c'était aberrant. Elle avait bien fait de ne point se confier. Mais que faire ? Rentrer, bien sûr, mais demain matin.

 

 

(*) Merci Hergé et le fétiche Arumbaya à l’oreille cassée.

 

 

 

 

Le matin, elle avala un verre de lait tiède et s'apprêtait à seller son chreview quand un messager arriva venant dans sa direction :

" Vous êtes bien madame Brigitte H ?

- Oui.
- Voici un message et deux paquets de la mairie, voulez-vous les ramener à vos concitoyens ?

- Bien sûr, donnez-les moi."

Elle partit à petit galop. Une fois sortie de la CUS ( Conclave Universel de S. ), elle s'arrêta pour souffler, elle et surtout son chreview et regarda le paquet, puis ouvrit le message.

"Mairie de S.S.,

le 6 juin

Madame,

Je voulais vous dire que votre proposition ne m'a pas semblé si absurde, mais elle nécessite une certaine étude, que nous allons mener avec mes services.

J'espère que vous comprenez que votre offre de financement est très insuffisante si le nombre d'intervenants à convaincre croît. Je la considère donc comme une avance sur frais, que vous me ferez parvenir dans les plus brefs délais. Etant donné que votre commune n'est pas la seule concernée, il vous faudrait aussi contacter les villages environnants, B...heim, D...heim, F...heim, G...heim, M...heim, P...heim, N...house, O...house, S...house pour leur suggérer de vous soutenir dans cette demande.

Je profite de cette missive pour vous faire parvenir deux paquets, l'un pour vous, pour m'excuser un peu de mon attitude outrée d’ hier et le second pour votre maire bien-aimé.

En attendant de régler au mieux notre petite affaire

Recevez, chère adjointe, l'statement de mon sincère intérêt

La Mère

"Bizarre cette signature, pensa-t-elle en ouvrant son "cadeau". Il y avait une poupée en porcelaine vêtue d'une tenue alsacienne traditionnelle et un chou rouge, enfin pas tout à fait. Il y avait tout autour un genre de cosse, comme une enveloppe de petit pois, mais elle était légèrement ouverte, ce qui permettait d'en voir le coeur. La couleur en était assez bizarre, puisque non seulement elle évoluait, s'éclaircissant, mais elle tendait vers le rose. Un peu ébahie, elle ne pensa pas à le lâcher et constata que la forme évoluait d'elle même extrêmement rapidement, le légume se séparant en 2, puis en 4, en 8... jusqu'à ce que chaque partie rétrécisse pour atteindre le volume d'un chou de Bruxelles, puis d'un petit pois. Elle se dit qu'il fallait vite jeter cette chose bizarre, mais impossible, car cela semblait adhérer à sa propre peau comme une ventouse, alors que la forme semblait s'allonger. Heureusement, comme elle la tenait de la main gauche, elle put saisir un couteau et plongea la lame dans l'inconnu. Un flot rouge aspergea son visage, comme sa poitrine, d'une consistance proche du sang. Elle s'acharna avec son couteau pour détacher le parasite, mais rien à faire, alors elle eut l'idée de l'approcher de son chreview. Merveilleux, sa main fut libérée par le monstre qui sembla adhérer à la cuisse de l'animal.

Elle examina sa main. Une poudre blanchâtre semblait la recouvrir, faite de petits grains. Elle souffla dessus et tout s'envola.

Ne voulant pas perdre sa monture, elle alluma un feu, y plongea son couteau pour le chauffer. En attendant qu'il soit brûlant, elle examina l'évolution de l'animal. Le chreview secouait sa cuisse, alors que la forme évoluait, s'allongeant. Maintenant, on pouvait voir sur le dessus une sorte de boule gonfler et à chaque coin de l'autre côté une petite excroissance.

La lame de son arme étant devenue rouge, elle s'en saisit et l'enfonça dans la bizarrerie, qui se mit à fumer, gémir, mais se détacha de son chreview.

Sans réfléchir, elle replongea la lame dans le truc qui se transformait à nouveau car chu sur une pierre, et se remit à gémir. Elle jeta l'horreur au loin, avec son couteau.

Mais Bon Dieu, excusez-moi, Mon Dieu, pensa-t-elle, mais qu'est que c'était que ce machin ?

Et que contenait l'autre paquet ?
L'ouvrir, ne pas l'ouvrir ?
Elle avait heureusement avec elle un sabre.

Elle ouvrit le paquet. Une lettre était jointe.

" Capitale Europe de l'Ouest

S. le 6 juin

Monsieur le maire,

Est-ce votre incompétence ou une mauvaise souche, mais les résultats que nous attendions ne se sont pas produits. Votre village est désespérant. Nous vous donnons une nouvelle chance avec ce nouveau spécimen.

J'espère que nous n'aurons plus à nous plaindre de vous.

N'oubliez pas nos espoirs et les risques encourus en cas de nouvel échec.

En attendant, NE NOUS DECEVEZ PAS
La Reine"

Elle ouvrit le paquet. C'était une plante dans un pot, ressemblant un peu à un lys, avec une base style bulbe. Il y avait plusieurs tiges se terminant par des boutons, l'une des fleurs était en train d'éclore. Mais les pétales, effectivement proches de ceux d’un lys, avaient la couleur de l'arc-en-ciel, avec des parties transparentes à chaque extrémité, et au fond on voyait une sorte de pollen de toutes les teintes possibles d'où sortaient des étamines multicolores. Et dans la terre, une sorte de nid de guêpes.

Elle se rendit compte alors que la plante semblait s'allonger en se dirigeant vers elle. Elle la jeta dans le feu.
Elle ne comprenait rien, mais cela semblait lié à la magie, peut-être pire. Elle examina sa monture, dont les poils semblaient tachetés de la même poudre qui était sur sa main. Une petit caresse et tout s'envola. Elle put repartir et se pressa de regagner sa demeure.

Elle remarqua, en traversant les villages, que certaines de ces fleurs qu'elle avait jetées au feu était cultivées devant les maisons ou les cours de ferme.

Elle arriva à sa maison sans encombre et se précipita : personne !Elle se dit : et si j'allais chez Manon de S. ?

En y allant, elle rencontra Isabelle W., la maman de Laura, qui prenait la même direction qu'elle. Elle la rattrapa vite :

" Ne m'approchez pas Brigitte !" et la jeune femme lui jeta à la tête du sel.

Elle n’insista pas et vit de loin la jeune femme entrer dans la maison de Manon. Elle la suivit de près et frappa à la porte.

" Tirez la chevillette et la porte s'ouvrira " dit la Compagnie de Manon.

Elle le fit et put entrer.
Manon, en haut de l'escalier lui dit :
" Bonjour Brigitte. Bien que nous vous fassions confiance, voulez-vous prendre cette pincée de sel de potasse ?

- Bien sûr !

- Maintenant montrez vos mains !
- Voilà ...

- C'est bon, montez.
- Hoquet.
- Excusez-nous de vous avoir demandé cela, mais c'est nécessaire...

- Mais pourquoi du sel ?
- C'est du sel provenant des mines de potasse, cela les fait dégorger.

- Je n'en savais rien...
- C'est moi qui leur ai dit, je m'appelle Noirceuil
- Mais bien sûr, c'est moi qui vous ait contacté, où sont les enfants ?

- Ils dorment.
- Y compris Rocco CdL ?
- Oui, répondit la Compagnie, sa mère s'était trompée.

- Ca se comprend, dit Michel D., par les temps qui courent, j'ai aussi eu des doutes.
- Bon, résumons la situation, dit Noirceuil, je ne sais si ces êtres sont l'oeuvre de Dieu, du diable ou d'une nature hostile, mais elles prennent notre place, celle que le créateur nous a attribuée.

- C'est vite dit, critiqua, polémiste, la Compagnie ; qui crée, créatise, abêtise ?

- Crois-tu que ce soit le moment de savoir qui est à l'origine de qui, savoir si le lynx a précédé le loup ou si le loup-cervier est le père de tous les animaux un tant soit peu douteux, car suspectés, de notre carré délimité à l'Ouest par les chutes d'eaux, au Nord et au Sud par la chute des glaces et à l'Est du soleil quand il daigne se lever ? reprit Manon.

- Cessons cette polémique stérile dans un temps où l'extrême reproductibilité d'une espèce nous menace tous, suggéra Karine.

- Oui, où en sommes-nous ? A part nous, nos chers enfants, il semble que tout le village soit contaminé, intervint la belle Isa.

- Pourquoi eux ? Pourquoi nous ? Livrons-nous à leur expansionnisme féroce, nous ne sommes pas de taille, suggéra Manon dépicrépite.

- NON, battons-nous, hurlons tous ensemble, avec les enfants, les chats, les chiens, les lapins, les grillons pour dire qu'une maison résiste à l'envahisseur, protesta pas railleur la Compagnie.

- Nous sommes entre gens sensés !

- Vous êtes ici, Docteur ?

- Bien sûr, je suis très inquiet de cette épidémie et j'envisage de prévenir la Faculté.

- C'est tout à fait souhaitable, il nous faut une aide, mais je peux vous révéler certaines choses... reprit Brigitte.

- Non, hurlons temps qu'il en est encore tant, insista le presque canidé.

- Ronfle canidé, ronfle canne idée ! suggéra Manon.

- Un peu de calme, l'animosivité est justifiée, non ou oui? mais l'heure est grave, si ce n'est désespérée, puis-je dire ce que je sais ?"

Enfin, Brigitte put raconter.
" Mangez des pommes et fleurissez, dit la Manon.
- Urinez-leur dessus, dit le pendant à canines.

- C'est l'avenir de votre fils et de nos putains de mioches ! dit Isa.
- Quelle belle voix vous avez, Noirceuil, dit Karine...
- Vous êtes tous piqués, et dans ce domaine...- Sommes-nous entre adultes responsables ? dit Brigitte.
- C’est vrai, rien n'est perdu ! dit la Compagnie.
- Essayons de nous planter en terre, nous serons plus heureux, contredit Manon, et ils ne feront plus attention à nous...

- Et l'eau qui envahit ma cave, l'odeur je vous raconte pas ! se plaignit Isa
- Ah ? Vous aussi, justement j'en parlais à Fabienne K...

- Ici, il n'y a pas de cave.
- Reprenons, dit le saint tome, nous pouvons nous défendre ici longtemps, Manon ayant fait des provisions de sel dans la buanderie en prévision des grands froids, mais quelqu'un devrait essayer de franchir le Rhin afin de savoir si ces sales bêtes respectent les frontières et s'il ne réussit pas, continuer vers le Sud, vers Rome implorer du secours, peux-tu y aller, Isabelle ? ainsi ta cave pourra sécher avant ton retour...

- Oui, si vous prenez en charge mes filles.
- Je peux vous accompagner, il y a aussi des Facultés par là, suggéra Marc W.

- Toi, tu restes ici ordonna la miresse, aussi présente (Que de monde dans cette pièce, où l'on pouvait voir de ci de là des couples s'engueuler en marge de la conversation principale, nous ne rapportons pas cela, car les mots volaient bas et nous ne parlons pas d'oiseaux mais de plantes mais déjà les mômes s'étaient réveillés et s'entredéchiraient, ayant improvisé une bataille de boules de sel)

- Non, le docteur servira de caution scientifique, dit Brigitte.
- Et qui nous soignera ?
- Mais moi, rappela Brigitte, je sais faire.
- Tout à fait, confirma sain Marc.

- Arrête de fricoter avec elle ! dit sa femme.

- De toute façon, vous êtes sous la protection de Dieu, avec la présence de Noirceuil, dit Isabelle.

- Pour ce que ça nous a servi jusqu'à maintenant." (Qui a dit ça dans le fond...?)

Le couple partit à chreview.

Une heure plus tard, on vit un groupe d'hommes, de femmes d'enfants, certains en train de muter, se diriger vers la maison.
Mais lorsque les premières plantes commencèrent à perdre de l'eau sur le sel répandu, les autres reculèrent.

Une seconde attaque interne se produisit car le bambou de Manon se mit à se transformer et contamina la femme du toubib. On les arrosa de sel.

La journée fut calme ensuite, à part les disputes d'enfants et les scènes de remue-ménage diverses et variées.

La Compagnie était restée éveillée, son fils sur les genoux, en discussion avec Brigitte, Noirceuil et Manon. Les autres dormaient.

C’est alors que Marc W. et Isabelle W. arrivèrent avec des renforts, tous à chreview. Ils entrèrent. Tout heureux, Marc W. embrassa Brigitte, Isabelle fit de même avec Noirceuil, et l'inévitable se produit. Ils étaient contaminés.

Les trois autres participants se mirent à mu(t)er aussi, mais pas en plante.

La Compagnie hurlait tout en se transformant en loup, Manon feulait tout en se recouvrant de poils (surtout aux oreilles), quant au fils, il se transformait lui aussi.
Le trio constitué des trois mutants animaux (un loup, une lynxette et un croisement des deux : une tête de loup, des pattes de lynx, un corps mitigé des deux espèces) s'enfuit, retournant dans la forêt, la traversant et s'enfuit loin, très loin, très très loin, quittant le monde et le village d'où il venait, il reprit le chemin du monde d'en-bas.

Et c'est tout ce que j'en dirai, car c'est tout ce que je sais de cette histoire (*).

 

 

* Merci au film "La compagnie des Loups", de Neil Jordan, d'après une nouvelle d'Angela Carter, qui me permet de conclure ainsi mon histoire de plantes-garous.

 

 

(Toute ressemblance avec des personnages ayant existé n'est que fortuite, par contre avec les virtuellement vivants, c'est moins sûr...) 

 

 

 

       

 

 

 

 

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