Benoît présente la nouvelle n°16 :
Cosmétique de l'ennemi
ou
A la recherche des mots qui se rétractent
Cosmétique d’un texte devenu mon ennemi de ne pouvoir l’écrire,
De ne pouvoir retranscrire dans l’ici et maintenant ,
Le profond émoi provenant de moi.
Penché au dessus de la margelle d’un puit,
J’en extrais l’au delà de mes tentations ;
Le deci-delà de mes émotions parfumées à vau-l’eau.
Cela vaut-t-il la peine de l’écrire, de le dire, de le ressentir ?
Fossoyeur de mondes à chaque instant ,
Mon esprit parcourt les chemins d’une écriture dissoute.
Dans l’HCl , je bois " à la santé du feu et de la flamme ".
Je m’y brûle les ailes depuis l’enfer
Et vois le film défiler à la vitesse d’un missile.
Sur le carrelage de mes pas droits ?
Même pas froid !
Sur les carreaux de mes visions ?
Même pas chaud !
Je me bats avec mes mots pour ces maux sans fins.
Je mets le feu aux poudres du quatorze juillet
Et de tous ces autres jours qui me sont décomptés.
Froide est l’eau du puit !
Et puis quoi encore ?
Et puis fluide sont les esprits !
Par foi, j’y exerce mes élans,
Parfois, invente des courants d’air.
Par le vent et l’eau mes cheveux se dressent d’effroi.
L’errance m’apprend ma désespérance
Et mes chemins empruntés proviennent de cartes inavouées.
Les dimensions sont parallèles
Et droites sont les idées reçues alors que ploie le roseau.
Roses sont mes tentations de croiser sa couleur perdue dans une marre rouge.
Et coule encore la douleur !
Et coule encore la rivière lunaire !
Le temps s’écoule et s’écoute parler du temps qu’il fait.
A défaut d’être pris à parti ; il part et s’enfuit vers des ailleurs,
Vers des sentiers sans cris.
Mais gare à ceux qui prennent les trains en marche !
Les chairs broyées ne se distinguent plus
En marge des rails du train-train quotidien.
Je respire ces sombres pensées.
Et me rejoint l’ennemi qui à demi mot me suggère le même grand saut.
A travers les haies, je le hais ;
A travers les tables, les bureaux, se trouvent les chevaux .
Ils me font passer les étapes , serré dans un étau.
Eh toi ! T’as pas cent balles
L’histoire de ne pas me louper ?
J’ai déjà raté ce train alors je marche vers lui
Qui m’emportera loin de moi
" Loin de cette fatalité qui colle à la peau ".
Juste un écho.
A qui la cause ?
A ce cerveau déployé aux ailes de mystère
A son insondable fond sans fond !
A ce cerveau éloigné des faux soleils qui brûlent la terre entière
Et sur laquelle tout est perdu avant de se refaire.
Sommes nous pris dans la machine à soleil vert ?
Vers la soie pourtant je tends !
Ver à soie pourtant je suis !
Alors à ta santé !
Avant que l’éclat de " vers toi " ne me blesse.
Cristallisé dans la neige le feu n’a laissé trace.
Vibrations en décalage ;
Décollage d’affiches ;
Restent les pamphlets de ces murs dégarnis.
Abstrait et soustrait de l’addition,
Le compte est bon !
Et tournent les chiffres de la loterie pour laquelle j’ai été puni
D’avoir trop rêvé un somme infini !
Des pages et des pages d’oubli pour coller au sujet.
Cette colle pressée sur le tube de l’obsession blanche…
Des kyrielles d’oiseaux aux notes bénies
Bourdonnent d’impalpables mélodies.
Ouvrir des tombeaux pour ceux tombés de haut.
Les vers luisants ont le soleil au corps ;
Les corbeaux les rappellent à l’ordre.
Perché sur l’épaule de squelettes ambulants
Me retrouve en pleine marche funèbre.
Vers les ombres , je tends des toiles de peintures feintes.
Vers les pentes de tentations , j’éprouve le vertige.
Balancements incessants de corps spiritueux ;
Se déchirent les draps de l’absence et se referme le piège du basculement.
Je suis l’ennemi qui fuit la transparence d’un texte qui s’oublie.
Noircir les pages pour faire surgir la lumière à travers les carreaux .
Les yeux noyés tout autant que mes prières invisibles;
Je jette des pavés dans le " j’en ai marre " au devant de mes pas.
Mes pas ne sont pas.
Mes plus le sont moins.
Mes divisions se multiplient
Mes fractures deviennent fractales.
Je travaille mes mots : j’écris une lettre, puis deux, puis l’alphabet
Et dessine la couleur des sons.
Perceptions diffractées par le prisme du carnage ;
Les tôles ondulées se propagent à la surface.
Grande surface d’une ville supermarché ;
Superficie du vide,
Sans visage sont les expressions,
Sans proverbes les sensations.
Les mots sont à mots chez moi !
Assez moches ils sont, amollissons les !
Lactescents ils sont, traitez les de lait !
Longue conservation, ou bien légers ;
Les ai-je eu à jeter ?
Question d’ordre à respecter,
Question de cloison à fortifier.
De ces portes ébréchées coulent les raies de la banalité.
Le quotidien n’est plus qu’un journal qui salit les mains !
Le parisien un noctambule qui déambule !
Et moi ; à la dérive de mon texte je file en même temps que lui en ces jours étranges dans le vertige tournoyant d’un moulin à prières népalais.
Y gagne-t-on à parier sur le Nirvana ?
Et je repars en arrière pour en changer l’atmosphère
Et je repars en arrière pour y découvrir son mystère.
Je maquille mes mots et les fardes d’un rouge à lèvres bâillonné.
Je cherche à les rendre détestables plutôt que beaux.
Et pourquoi ne pas en faire un tableau !
Un masque de fard blanc et des stries noires et verticales au niveau des yeux
Représentation gothique que ces mots donnent à voir !
Idées superposées, enchevêtrées, mal peignées et déstructurées .
Le texte est habillé de l’écho du chaos façon Yohji Yamamoto !
A la page !
Sa lumière est faite de paillettes de larmes de rasoir.
Des toiles d’araignée retiennent l’éclat entre bouleaux et papyrus.
La peau lézardée de lettres enneigées
S’imprègne d’encres essentielles
Le thème de ses yeux se nimbe d’une léthargie bleue pâle.
Laisser l’encre couler !
Remettre des cartouches et puis m’exécuter !
Redevenir les contours des mots et me coucher au bord de toi
Sur un parterre de pensées écarquillées.
Sommeiller tout autour
Dans un silence de neige intériorisé et suspendu.
A la corde au bout de laquelle le tonnerre gronde ce soir ;
Se dandine un sonnet de pluie.
Corde tendue par dessus le vide de mon fragile équilibre de vertiges
Le balancier de mes pensées me rétablit sans cesse.
Homéostasie de moi-même !
Aime et oh ! réagis à cela !
Les battements de cœur du tonnerre ont crée l’hémorragie et la rupture de son anévrysme !
Le ciel a brisé mes mots et les a noyé dans une nappe d’eau.
Le maquillage s’étale à présent sur ces phrases .
La lumière se fait sur la pluie qui défait les cosmétiques déposés sur ces mots de nuit.
Et coule le rimmel de ce texte tachés d’encre !
Et s’écroule le buvard de ce papier bavard.
Il absorbe les produit comme un fond de teint,
Horizon lointain,
Et déteint sitôt qu’on l’atteint !
Fragile esthétique de la phrase ;
Je lui porte d’une plume argentée
L’estocade finale d’un point jamais supporté !
Continuer encore les cris sans voix ;
Et je vois les stylos se vider en sanglots.
Choisir les formes et les couleurs et les assembler à mort !
Les habiller du rapprochement et les séparer par la césure ;
De leur usure je passe mon temps
Et repasse en boucle-Messe pour le temps présent-.
Les musiques sont des mots mis à nu et habillés de sons !
Les notes se prennent sur des partitions dont j’ai perdu les clés.
Le sol se dérobe sous mes pieds.
Je marche à l’adrénaline et au thé.
Sur tes pas cadencés je trouve la voie de l’impossibilité.
Ouvrir des portes d’inaccessibilité !
Dans l’incapacité de faire naître ce texte,
Je mesure la vacuité de ces murs de pages.
Murmures de silence dans la patience du verbe attendre;
Mes pieds s’enlisent dans une trame tourmentée.
Sans voix, cent larmes, le piège s’est refermé ;
Sur des lettres postées sans adresse ni identité.
L’éternité bleue s’est faite éphémère
Et hasardeuses sont, les cartes de l’été.
Les mots sont des fleurs du passé, desséchées et sans os.
Et l’histoire se poursuit d’avoir commencée trop tôt.
Elle se cherche et elle sait que s’atteindre reste abstrait.
Alors voyager !
Partir et saisir les opportunités d’un trajet sur lequel elle sera guidée.
En quête du lieu et de la formule !
Je cherche encore l’illusion du domaine sans nom !
Et choisi le puit de mon imagination!
" La deuxième étoile à droite et tout droit jusqu’au matin ".
La fée Clochette m’envoie de la poussière d’enfance.
" Rêve ta vie en couleurs ! C’est le secret du bonheur ! "
J’ai joué le jeu l’espace du film puis tourné la page.
Et les images défilent, m’entraînent et dérivent.
Perdu dans l’écran et les sons, s’ouvrent pour moi d’autres horizons !
Enfin sorti de l’écriture ennemie de mes maux ;je retrouve dans ceux de mes frères d’autres réseaux.